La lutte contre le gaspillage alimentaire : les nouveaux modèles logistiques et commerciaux

Selon une étude de l’Ademe, ce sont 10 millions de tonnes de nourriture qui sont perdues chaque année en France. Outre le coût (16 milliards €) et l’impact environnemental généré par cette production, ces chiffres interpellent alors même que nous comptons, suivant les définitions, entre 5 et 8,8 millions de pauvres.

Le gaspillage alimentaire se retrouve, de façon quasiment équivalente, aux quatre maillons de la chaîne alimentaire : la production, la transformation, la distribution et la consommation.


Face à cette situation que nombre d’entre nous considèrent comme scandaleuse, certaines initiatives méritent une attention particulière, en France, mais aussi chez nos voisins européens.

Une des initiatives les plus abouties est celle de l’enseigne Wefood à Copenhague. Il s’agit là du tout premier supermarché de produits périmés, créé en février 2016. Wefood récupère les produits dont la DLUO est dépassée. Une DLUO dépassée ne signifie pas nécessairement un risque pour la santé. Mais la présentation des produits et leurs qualités gustatives peuvent être altérées. 

Wefood propose à ses clients des produits à un prix de 30 à 50% inférieur au prix normal.

Un tel modèle nécessite un partenariat étroit avec des groupes de distribution alimentaire, afin de collecter quotidiennement les produits périmés mais encore comestibles, ceci dans le respect des règles sanitaires, notamment de la chaîne du froid.

Une très récente initiative de supermarché de produits périmés a été ouverte à Leeds, en Grande-Bretagne, inspirée du modèle Wefood. Les produits, donnés par un réseau de supermarchés et restaurants, n’ont pas de prix affichés. Les clients paient les produits en fonction de leurs moyens ou peuvent également compenser ces achats en consacrant du temps à travailler dans le supermarché.

D’autres initiatives de supermarchés de produits « invendables » dans le circuit normal ont été mises en place en Grande-Bretagne, sur un modèle de « community shops », fondé sur une adhésion, donc moins ouvert que celui de Wefood. Ainsi, le People’s supermarket incite les clients à travailler bénévolement dans le supermarché quelques heures par semaine et à orienter leur action vers le principe de « zéro gâchis ». Les produits endommagés sont utilisés par le service « traiteur » du magasin.

Même si le sujet des invendus n’est pas nécessairement nouveau dans la grande distribution, il faut noter des initiatives dont l’objectif est de sécuriser la chaîne alimentaire, notamment sur le plan logistique. C’est le cas de Franprix, qui au travers d’un partenariat avec la société Phenix, a mis en place un système de collecte quotidien des invendus par grappes de magasins, et d’acheminement vers 80 associations dans Paris.

Un secteur très caractéristique du gaspillage alimentaire est la boulangerie. Contraint à anticiper la fabrication de produits dont la durée de vie n’est que d’une seule journée, ce secteur génère naturellement un gaspillage significatif. La société Äss-Bar, en Suisse, a développé un réseau de boulangeries dénommées « Frais de la veille ». Il s’agit là, comme son nom l’indique, de commercialiser les produits de la veille, à prix réduit. Äss-Bar a déjà ouvert 7 boulangeries dans 5 villes différentes de Suisse. Ce modèle nécessite là encore un réseau d’approvisionnement à partir des boulangeries du quartier ou de la ville. Il répond à une demande des consommateurs recherchant un prix réduit mais permet aussi d’écouler des produits qui sont, dans le circuit normal, voués à la destruction.

D’autres initiatives très pragmatiques ont été mises en place en Allemagne ou en Espagne, celles des réfrigérateurs communautaires. Ainsi, à Galdakao, en Espagne, la ville a donné son accord pour installer sur l’espace public un réfrigérateur. Les habitants et restaurateurs y déposent quotidiennement des produits alimentaires, avec des règles de fonctionnement très précises.

Ces nombreux exemples montrent la nécessité de trouver des modèles commerciaux et logistiques répondant aux problématiques fondamentales de réduction du gaspillage alimentaire et d’apporter aux populations urbaines les plus démunies des solutions leur permettant d’acquérir ces produits à un prix réduit.

Il s’agit là d’un enjeu de société. Les distributeurs et logisticiens sont face à une responsabilité sociale majeure.
Avec un peu de prospective, nous pouvons peut-être imaginer qu’un jour, Carrefour ou Auchan innovent en créant leur propre réseau commercial de produits périmés ! Le modèle de magasin outlet de produits alimentaires reste alors à inventer.


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