L’internet physique modifiera-t-il le rôle de l’entrepôt?

L’Internet physique, concept qui vise à appliquer sur le transport de marchandises les principes de l’Internet, trouve ses origines dans les problématiques environnementales du transport.

L’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques) estime que, d’ici 2050, le transport international de marchandises sera multiplié par 4 et que les émissions de CO² imputables à ces échanges augmenteront de 290%.


Cette augmentation ne concernera pas seulement le fret maritime, mais aussi le transport routier. Le continent asiatique représentera à lui-seul plus de la moitié du fret terrestre mondial. Autre exemple significatif, les flux routiers intra-Afrique, certes relativement faibles, devraient croître de près de 700%.

Ces quelques données montrent le défi auquel nous sommes confrontés. Il est une conséquence du développement de certaines zones géographiques, mais aussi de la mondialisation.

Cette situation est accentuée par une tendance à l’atomisation des flux dans les secteurs urbains, liée à l’accélération des expéditions et au e-commerce, mais aussi au transport de vide, aux emballages, à la sous-utilisation de nombreux équipements.

Ces constats ont amené différents chercheurs, notamment Eric Ballot, professeur à Mines Paris Tech et Benoit Montreuil, professeur à l’université de Laval (Québec), à remettre en cause le fonctionnement même des réseaux logistiques et à imaginer des modes nouveaux.

L’Internet, que nous utilisons tous quotidiennement, est fondé sur une infrastructure ouverte, permettant la transmission de données formatées qui transitent sur des équipements hétérogènes, mais respectant un protocole.

L’idée de l’Internet physique est d’appliquer ces règles de massification au transport de marchandises. Il s’agit alors d’utiliser des protocoles collaboratifs, des interfaces standardisées et des conteneurs ou des charges massifiées permettant de transporter les biens.

La conteneurisation peut partir du standard des conteneurs maritimes, démultipliés en unités plus petites de différentes tailles, jusqu’à des boîtes de très petite taille, adaptées à la dimension des objets à transporter. Conteneuriser permet de réduire les emballages et faciliter les transferts. Les unités plus petites permettent alors de réduire le transport de vide.

L’autre idée de l’Internet physique est de passer de la manutention et du stockage de produits à la manutention et au stockage de conteneurs. Ainsi, le stock de produits peut être réduit et transféré sur les moyens de transport.

Ces conteneurs de différentes tailles seraient dotés de nombreux capteurs, permettant de collecter les informations nécessaires au suivi, à la gestion et au respect des règles de sécurité. La connaissance des stocks de produits en temps réel permet de réduire les parcours en choisissant le produit le plus proche. Les parcours longue distance sont alors scindés en de multiples parcours de courte distance essentiellement locaux.

Si l’Internet physique constitue un sujet de recherche, il trouve déjà des applications concrètes, fondées sur la mutualisation et la massification des flux.

Ainsi, les Centres de Routages Collaboratifs (CRC), regroupant dans le même entrepôt les stocks de plusieurs fournisseurs dont les volumes unitaires sont insuffisants pour une logique de pooling, à destination de plusieurs groupes de la distribution, en sont un exemple. Un CRC pilote a été mis en œuvre à Saint-Martin-de-Crau, avec différents partenaires dont FM Logistic, qui regroupe les flux de plusieurs fournisseurs de la distribution, à destination de plates-formes Auchan, Carrefour, Système U, Casino et Metro. L’objectif du CRC, qui cible des acteurs différents de ceux du pooling, vise à améliorer le taux d’occupation des véhicules de transport sur les trajets les plus longs.

Sur le même concept visant à massifier le transport au plus près des clients finaux, le groupe 3M a incité ses partenaires transporteurs allemands à réorganiser leur logistique et reconfigurer les commandes sur des hubs de proximité. Ce projet, intitulé Mix, Move, Match a pour objectif d’optimiser l’occupation des véhicules de transport sur les longues distances. L’occupation des véhicules ne concerne pas seulement le nombre de palettes dans un véhicule, mais aussi et surtout la hauteur de ces palettes, donc le volume total du camion. Différencier les commandes au plus près du consommateur permet de massifier les flux sur la distance d’approche vers le lieu de livraison du dernier kilomètre.

Ainsi, l’Internet physique pourra modifier la nature même de l’entrepôt, et aider à créer des centres de proximité, qui auront une vocation de cross-dock.  Cet aspect d’optimisation des véhicules de transport rejoint un des objectifs de la loi sur la transition énergétique pour une croissance verte, qui, dans son article 40, vise à inciter les solutions permettant l’augmentation du taux de remplissage des véhicules de transport de marchandises.

Pour une fois, la loi est en phase avec la recherche !

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