La grande distribution au service de la redynamisation des centres-villes

La grande distribution et les centres commerciaux peuvent-ils participer à la redynamisation des cœurs de villes ? L’idée peut surprendre tant le débat sur « la France moche » oppose systématiquement les petits commerces de centre-ville aux zones commerciales des entrées de ville.

C’est oublier que les moyennes surfaces spécialisées sont aujourd’hui un élément important de la redynamisation des centres-villes d’agglomérations moyennes voire petites. A l’inverse, les zones commerciales de périphérie voient leur offre s’étoffer de nouveaux services autrefois réservés aux centres­-villes, comme des espaces de loisirs ou de restauration. Les nouveaux concepts de centres commerciaux ne s’intéressent d’ailleurs plus seulement à la pertinence de leur offre, mais de plus en plus à la qualité architecturale de leurs aménagements au service de l’expérience du client.

Les centres commerciaux en cœur de ville sont déjà nombreux. Choix délibéré d’urbanisme et de développement local, comme la Canopée dans le quartier des Halles à Paris, ils peuvent aussi jouer le rôle de véritable centre-ville à l’instar de Bobigny. Dans d’autres cas, l’étalement urbain a rattrapé les zones commerciales périphériques aujourd’hui cernées d’habitations.

A l’exception de quelques grandes réussites soutenues par des investissements continus, les centres commerciaux anciens, construits pour l’accessibilité en automobile, sont peu adaptés aux nouvelles attentes de la vie urbaine. L’idée de proposer une ville apaisée qui favorise les déplacements en modes doux ou collectifs afin de redonner aux espaces publics leur vocation de lieux de vie, s’accommode mal des circuits complexes de voies, de parkings ou des coquilles commerciales fermées sur elles-mêmes.

La dégradation des espaces commerciaux de centre-ville ne doit pas être sous-estimée comme nous le rappellent les cas de Montreuil ou la désertification progressive du centre de Birmingham à partir des années 1970 et avant sa transformation. Si ce phénomène semble difficile à endiguer au regard des coûts de restructuration des emprises commerciales, il ne s’agit pas d’une fatalité.

Les exemples de Bath, Birmingham ou encore Montreuil prouvent que de grandes emprises commerciales dégradées peuvent regagner en attractivité en s’ouvrant sur la ville. En finir avec les espaces clos permet alors de ramener les commerces au niveau du sol « naturel » et de les orienter vers l’espace public. Le centre commercial vient s’insérer dans la ville grâce à la construction de véritables rues et d'une continuité architecturale. L’implantation de bureaux et de logements permet ainsi une utilisation plus intensive des nouveaux espaces publics en dehors des horaires d’ouverture des magasins, ce qui renforce le sentiment général de sécurité.

Pour les zones commerciales périphériques rattrapées par la ville, le défi est de les transformer en véritables centralités locales. Les projets comme ceux d’Athis-Mons (le long de la RN7) ou de Montigny-lès-Cormeilles montrent que les grands espaces commerciaux largement occupés par des parkings disposent d’un grand potentiel. Le développement du maillage des rues et la construction de logements, de parcs urbains permet d’améliorer l’attractivité de ces zones et renforce la cohérence territoriale. Ces projets peuvent alors rendre pertinent le développement de transports en commun efficaces réduisant la part de la voiture et allant dans le sens d’un meilleur partage des espaces.

Ouvrir les centres commerciaux sur la ville implique une étroite collaboration avec les pouvoirs publics. La création de rues rend la distinction entre espace public et espace privé plus ténue. Si ces projets peuvent sembler complexes, ils apportent des réponses au problème de la perte d’attractivité des centres-villes et plus généralement du développement durable. Il semble une fois de plus que la volonté politique soit le principal moteur de cette dynamique comme nous le montrent les exemples outre-Manche. Ces perspectives invitent les acteurs de la grande distribution et de la promotion immobilière à évoluer. Olivier Razemon, dans son livre « Comment la France a tué ses villes » nous rappelle que la « place de marché », aujourd’hui du centre commercial, « est avant tout un lieu de rencontres. C’est là que sont nés l’artisanat, l’industrie, le droit, la finance, la culture… ».
 
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