L’entrepôt XXL, est-ce la folie des grandeurs ?

Il y a encore une dizaine d’années, un entrepôt de 20 ou 25 000 m² était considéré comme un grand entrepôt. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.
Les entrepôts de grande dimension, au-delà de 70 ou 80 000 m², sont devenus la norme dans de nombreux secteurs d’activités.
Cette tendance ne concerne pas seulement la France.
 
Ainsi, Zalando réalise en Allemagne, à Mönchengladbach, un entrepôt de 134 000 m². Le groupe de grande distribution finlandais S-Group construit un entrepôt de 140 000 m². GSE vient d’annoncer la construction d’un entrepôt de 110 000 m² en Chine, à Tianjin, pour des activités de textile. Ces exemples montrent qu’il s’agit bien d’une tendance mondiale.
Mais si cette tendance est réelle, ce n’est pas nécessairement un fait nouveau dans l’histoire des entrepôts. Déjà au 19ème siècle et au début du 20ème siècle, quelques ensembles d’entrepôts de taille très importante sont construits dans les villes et les ports. C’est par exemple le cas du site Tour et Taxis de Bruxelles ou de celui des Docks de Marseille, qui représentait 80 000 m² d’entrepôts en un seul ensemble. Ces sites sont tous deux aujourd’hui transformés en activités tertiaires.
 
Dans les années 1960 et 1970, de très grands bâtiments sont réalisés en région parisienne. On peut citer pour mémoire ceux de Garonor sur les communes d'Aulnay-sous-Bois et du Blanc-Mesnil, mais également les entrepôts Ney et McDonald’s. L’entrepôt McDonald’s, aujourd’hui transformé, représentait 165 000 m² sur un seul ensemble.
Tous ces sites de grandes dimensions étaient cependant multi-activités.
 
L’augmentation récente de la taille des plates-formes logistiques concerne plusieurs secteurs : les prestataires logistiques, la grande distribution, l’e-commerce et certains chargeurs. Les raisons du choix d’un grand site ne sont pas nécessairement identiques.
Pour un prestataire logistique, sauf s’il contracte avec un client nécessitant lui-même cette surface de 80 à 110 000 m², les raisons peuvent être économiques. En effet, un site de grande dimension lui permet de mutualiser des coûts de gestion, de sécurité, de management, des équipements. Certains prestataires qui se sont développés dans le pooling font face à la nécessité de regrouper sur un même site des activités importantes et complémentaires justifiant une surface très importante. C’est ce qu’a récemment fait FM Logistic à Longueil-Sainte-Marie (60) sur un site de 100 000 m².
 
Pour un grand distributeur, l’enjeu est d’accompagner la croissance, mais également de rationaliser les flux. Bénédicte Guilleux, responsable immobilier amont d’ITM entreprises (Intermarché) mentionnait lors de la conférence du 2 décembre dernier sur le SIMI, que l’enjeu pour Intermarché est de créer des entrepôts multi-températures et de supprimer les débords dont le coût est particulièrement élevé. Monoprix a récemment mis en œuvre la même logique d’entrepôts multi-températures permettant de livrer en une fois l’ensemble des rayons d’un magasin. Cette logique d’entrepôt centralisé multi-activités ont pour conséquence la réalisation de grandes plates-formes logistiques.
Pour un e-marchand, comme Amazon ou Zalando, l’enjeu de la taille de l’entrepôt est principalement de pouvoir gérer sur le même site un nombre considérable de références, parfois plusieurs centaines de milliers. En effet, le nombre de références constitue pour un pure-player e-marchand un enjeu considérable et un argument commercial.
Enfin, pour un industriel, il s’agit d’étendre le périmètre géographique en limitant, sur le plan européen ou mondial le nombre de sites logistiques. La contrepartie est souvent la taille du site principal.

Si les raisons ne sont pas nécessairement les mêmes, un entrepôt XXL pose de nouveaux problèmes qui sont de plusieurs ordres et qui sont communs aux différentes situations.
Tout d’abord, la recherche d’un site est rendue complexe par sa taille. Un entrepôt de 100 000 m² nécessite environ 25 hectares, ce qui est assez rare autour des grandes agglomérations, notamment Paris et Lyon. L’éloignement de la plate-forme logistique des grandes agglomérations pose alors le problème de l’emploi. Ces grands sites peuvent employer plusieurs centaines de personnes, ce qui rend nécessaire leur implantation dans un bassin d’emploi existant.

Un site de grande dimension représente par ailleurs des risques, sociaux, mais également de sécurité.
Enfin, l’investissement dans un tel site, souvent peu modulable, nécessite des logiques de durée, pas toujours compatibles avec des métiers évolutifs comme ceux de l’e-commerce ou des prestataires.
Cette tendance réelle, même si elle n’est pas totalement nouvelle, répond clairement à une rationalisation de la supply chain et à une évolution des métiers. Elle pose cependant des questions de localisation, de prise en compte à terme de la multimodalité, et d’investissement.

La grandeur d’est donc pas une folie, mais une réalité qui correspond à des tendances logistiques et économiques.

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