Immobilier logistique et immobilier commercial sont-ils deux mondes à part ?

L’analyse de la grande distribution nous montre que les commerces ont de tous temps joué un rôle logistique.
Les grands magasins du 19ème siècle affichaient fièrement leurs flottes de véhicules dédiés à la livraison à domicile. Leurs sous-sols étaient constitués de réserves, mais aussi des services d’emballage, d’expédition et de gestion des retours. En effet, leur politique commerciale permettait déjà aux clients de retourner aisément les produits achetés. Les grands magasins offraient au consommateur un choix jusque-là inconnu qui s’étendait parfois à plusieurs centaines de milliers d’articles différents.

L’e-commerce n’a donc pas inventé le choix, la livraison à domicile et les retours. Le clivage que nous avons pu constater pendant des décennies entre commerce et logistique n’était peut-être pas si marqué à cette époque.
Le développement des hypermarchés depuis les années 1960, des réseaux de franchise puis, l’apparition de l’organisation logistique des centrales d’achats ont eu pour effet de bien scinder les métiers.
 
La logistique se situe en amont des magasins. Son rôle est d’approvisionner les espaces de vente.
Les magasins opèrent une fonction strictement commerciale.
Nous assistons depuis quelques années à un nouveau bouleversement, celui du cross-canal. Le magasin déploie des fonctions bien différentes de celle qu’il avait il y a peu de temps encore. 

La proximité des consommateurs lui permet de livrer le client en raccourcissant le délai. Le point de vente est alors utilisé comme un stock de produits, donc un entrepôt de proximité. Cette technique de « ship from store » permet ainsi à des enseignes de retail de proposer des délais de livraison de 2 ou 3 heures seulement, pour une zone de proximité autour du magasin. Si cette transformation du rôle du magasin est largement utilisée dans la livraison à domicile de produits alimentaires, son application dans le retail non alimentaire est plus récente. De grandes enseignes comme Darty, la Fnac ou Leroy-Merlin ont mis en place des services basés sur ces principes.

Le magasin sert également de comptoir de retrait de commandes e-commerce. C’est le click and collect. Le comptoir est parfois remplacé par des consignes de retrait, soit privatives à l’enseigne, à l’instar de Decathlon ou Darty, soit intégrées dans un réseau national. Casino a par exemple fait ce choix avec l’opérateur Inpost, dont le réseau utilise la marque Abricolis.
Le point de retrait est également utilisé pour les retours de produits achetés sur internet. Certains secteurs, comme l’habillement, génèrent des flux retours de plus en plus conséquents.

Si le « ship from store » vise à offrir au client un service nouveau basé sur la disponibilité du produit et sa livraison en un délai très court, les deux autres fonctions présentent pour l’enseigne de nombreux avantages, notamment celui de faire venir le client dans l’espace de vente.
 
L’enjeu est alors de l’accueillir, mais aussi de l’inciter à profiter de ce déplacement dans une enseigne qui lui est familière, lui permettant de compléter son achat e-commerce par un achat physique ou de regarder des produits qu’il achètera peut-être plus tard sur internet.
 
Ces nouvelles fonctions du magasin, qui sont des fonctions logistiques, modifient profondément les métiers du commerce. Elles nécessitent d’adapter le rôle des vendeurs et développent des nouveaux métiers de picking et de conditionnement, voire de réception de transporteurs. Ces métiers logistiques confèrent au magasin un nouveau rôle, celui de plate-forme logistique de proximité. Ces activités de picking doivent cependant cohabiter avec la fonction principale d’accueil des clients.
Les modifications sont physiques, dans l’organisation de l’espace de vente, humaines, en transformant le rôle des vendeurs, mais aussi informatiques.
 
En effet, l’exactitude des stocks en magasin est plus que jamais une impérieuse nécessité. Les stocks de magasins sont mouvementés par les acheteurs physiques, mais aussi par les prélèvements ou les approvisionnements liés à l’e-commerce et aux nouveaux services développés.
 
La visibilité informatique entre les différents magasins de l’enseigne constitue aussi une nouvelle donne. Un produit non disponible dans un magasin l’est peut-être dans un magasin proche permettant d’apporter au client un service nouveau, la vente sur rupture de stock.
 
Une des évolutions permettant l’exactitude des stocks sera certainement la généralisation de la RFID (Radio Frequency IDentification), dont le coût a sensiblement diminué lors des dernières années. La RFID simplifie en effet le picking, les inventaires, la recherche des articles dans les rayons et permettra au magasin d’atteindre l’excellence logistique indispensable dans le cross-canal.
 
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