L’hypermarché de demain

En 1963 Carrefour ouvrait en France le premier hypermarché à Sainte-Geneviève-des-Bois. Le concept, particulièrement innovant à l’époque, consistait à proposer « sous le même toit » des produits de différents rayons : l’alimentaire, sec et frais, le bazar, le textile et l’électroménager, à des prix inférieurs à ceux proposés dans le commerce traditionnel. La surface de 2 500 m² semblait à l’époque démesurée. Le succès est immédiat.

50 ans après, l’hypermarché continue de constituer le modèle central de la distribution française, avec 1 900 magasins représentant plus de 10 millions de m². Ce savoir-faire a d’ailleurs été largement exporté dans le monde par Carrefour, Auchan et Casino.

Les hypermarchés, d’une surface souvent supérieure à 5 000 m² atteignant parfois 20 000 m² ou plus, rassemblent, toujours sous un même toit, 30 à 100 000 références de produits.

L’hypermarché a progressivement complété son rôle en attirant des galeries marchandes proposant différents services ou produits additionnels et en s’intégrant dans des centres commerciaux plus vastes.

Les deux principes fondamentaux du choix et du prix, qui ont fait le succès de l’hypermarché, sont pourtant remis en cause par le développement du e-commerce.

Un choix de 100 000 références n’a plus rien d’extraordinaire dans le monde de l’e-commerce. Les pure-player du secteur de la chaussure ou de l’habillement proposent souvent de 50 000 à 150 000 ou 200 000 références pour un seul rayon, soit beaucoup plus qu’un hypermarché.

Les références disponibles sur les places de marché se dénombrent en millions, le record étant celui d’Amazon.fr avec près de 100 millions de produits proposés, soit 1 000 fois plus qu’un hypermarché. L’argument du choix n’est donc plus favorable à l’hypermarché.

Le second argument porteur du modèle de l’hypermarché, celui du prix, semble aussi très fragilisé. Le consommateur a accès à des comparateurs de prix, des sites de vente privée et des places de marché qui proposent souvent des prix inférieurs à ceux des hypermarchés.

D’autres arguments ont pendant des années incité les consommateurs à privilégier l’hypermarché : le gain de temps et pour certains un côté « loisirs » de l’achat en famille. Aujourd’hui, nombre de consommateurs pensent au contraire que les achats en hypermarché représentent une perte de temps et une corvée.

L’hypermarché devait donc se transformer afin de faire face à l’évolution de la consommation et du mode de vie de ses clients.

La première transformation a été d’accepter cette mobilité numérique en développant, pour les produits alimentaires, les drives, et pour les produits non alimentaires, les sites web marchands. Tous les groupes de distribution, le dernier en date étant Leclerc, ont décidé d’investir massivement dans l’e-commerce. Si l’e-commerce de produits alimentaires ne représente encore qu’une part de marché de 3%, il n’en est pas de même pour des rayons tels que l’habillement ou l’électroménager.

Le succès de cette transformation est immédiat, notamment en ce qui concerne les drives. 2 825 click & drive, accolés ou solos se sont développés en quelques années. Auchan réfléchit même à étendre les drives au non alimentaire.

La seconde transformation est le click & collect. Commander sur internet et se faire livrer dans son hypermarché de proximité, c’est ainsi permettre au site web de trouver une nouvelle raison de faire venir le client dans le magasin physique. Le click & collect est proposé avec des délais de mise à disposition très courts, parfois d’une heure seulement pour Auchan.

Certains hypermarchés vont plus loin en installant dans le magasin ou devant celui-ci des casiers de retrait automatiques. InPost a ainsi signé avec Casino et Carrefour.

Les hypermarchés intègrent progressivement leur offre dans une logique cross-canal. Proposer 100 000 références n’est pas suffisant. Il faut proposer plus, mais de façon virtuelle. Ainsi, de nombreux hypermarchés, notamment Auchan, proposent dans le magasin de commander des produits non disponibles. Le client bénéficie de la présence d’un vendeur et différentes solutions de retrait ou de livraison lui sont proposées.

Autre évolution, l’hypermarché devient un espace numérique, permettant d’aider le consommateur à gagner du temps et à réussir son expérience d’achat. Un des symboles de cette évolution numérique est le développement des beacons, des balises de géolocalisation permettant de guider les clients dans les magasins, de les informer et de leur proposer des offres sur mesure. Les services sont disponibles sur mobile mais aussi sur des tablettes qui peuvent être installées sur les chariots. Carrefour investit massivement dans ces technologies.

Le développement de l’économie numérique est à la fois une menace et un vaste champ d’opportunités qui permettra à l’hypermarché de transformer son positionnement et de continuer à attirer les consommateurs.
Comme dans les années 1960, l’hypermarché continuera de tout proposer « sous le même toit », mais un toit en partie physique et en partie numérique, fondé sur le choix et le prix mais surtout un vaste ensemble de services. Hyper-connecté et hyper-informé, le client sera plus que jamais le roi.


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