Le retail aux Etats-Unis : (1) quelles sont les clés de la réussite ?

C’est en 1818, il y a tout juste 200 ans, que l’enseigne de distribution de vêtements Brooks Brothers était fondée à New York. Elle est à ce jour l’enseigne de distribution américaine la plus ancienne.
Alors que nombre de distributeurs ont disparu, quel est son secret ?


Brooks Brothers, enseigne de luxe qui a eu parmi ses clients nombre de célébrités dont la plupart des présidents américains, pouvait vivre sur sa réputation.
Pourtant, elle a fait un choix différent. L’entreprise s’est remise en cause à de nombreuses reprises, adaptant les produits aux demandes des clients, élargissant la gamme, sans renier son histoire.
Elle a aussi fait le choix d’investir très tôt dans l’humain (les employés sont des « associates »), dans la technologie et la supply chain.


Dès 1998, Brooks Brothers a ouvert sa boutique e-commerce, probablement bien avant nombre de retailers. Brooks Brothers a fait le choix d’être présent sur plusieurs marketplaces, notamment Amazon et Ebay.
L’entreprise compte aujourd’hui 280 magasins aux Etats-Unis et plus de 700 dans le monde.

Dans le contexte actuel de transformation du commerce, Brooks Brothers fait figure d’exception. Les grandes enseignes américaines sont nombreuses à souffrir ou à réduire leur présence physique.

A titre d’exemple, Sam’s Club, chaîne de magasins discount accessible sur adhésion annuelle, filiale de Walmart, a rencontré un grand succès dans les années 1990 et 2000. 597 magasins ont ouvert aux Etats-Unis et 200 au Brésil, au Mexique et en Chine. Sam’s Club a récemment annoncé la fermeture de 63 points de vente. Cependant, plusieurs de ces points de vente seront transformés en entrepôts e-commerce.
Sam’s Club ne constitue qu’un cas parmi une longue liste de distributeurs en difficulté. ToysRus, Brookstone, Sears, Kmart, Abercrombie &  Fitch, JC Penney, Kroger ou Bon-Ton affichent tous des listes de magasins fermés. Le cabinet CoStar Group évalue ces fermetures de magasins au chiffre record de 9 millions de m² sur le premier semestre 2018.
Ces magasins, qui constituent souvent des locomotives dans les malls, mettent eux-mêmes en difficulté ces ensembles commerciaux. Certaines études prévoient que, d’ici 2022, 1 mall sur 4 aura fermé. Nous n’en sommes toutefois pas à ce stade. Le taux de vacance commerciale, certes élevé, est de 10,2%.

Aux Etats-Unis plus qu’en France, l’e-commerce et notamment Amazon, prennent progressivement des parts de marché au commerce physique. 15% de la consommation est réalisée sur internet, soit un taux double de celui que nous connaissons en France. Cela a évidemment un impact sur le commerce physique.

Mais les fermetures de points de vente physiques ne concernent pas tous les acteurs. Certains groupes comme Best Buy, le groupe allemand Aldi, Target, Costco ou Whole Foods Markets (qui a été acquis par Amazon) résistent bien à la tempête. Ils ont su prendre le virage de l’omnicanal et ont su, comme Brooks Brothers, adapter leur stratégie. 
Plus que jamais, les enseignes qui résistent sont celles qui ont transformé le modèle même du magasin. Il sert de showroom, de point de click & collect, mais aussi de point de livraison. Les succès des modèles de livraison du dernier kilomètre comme Instacart ou Deliv, qui s’intègrent directement dans le point de vente montrent que le consommateur américain attend du retailer un service, notamment de livraison rapide à partir d’internet.
Les retailers qui résistent à la vague de l’omnicanal seront ceux qui s’adapteront en permanence à la demande du client. Le point de vente restera nécessaire mais aura dans l’avenir des configurations différentes. 

Target a par exemple fait le choix d’ouverture de petits formats dans des zones urbaines denses ou près de campus universitaires.

D’autres retailers, comme R.E.I., groupe de distribution d’articles de sport ou l’enseigne d’habillement OASIS, ont équipé leurs vendeurs d’Ipad permettant en temps réel de renseigner le client, de lui faire livrer un produit absent des rayons, de l’aider dans sa démarche d’achat.
Starbucks a misé sur un autre aspect de l’omnicanal, le programme de fidélité en magasin et l’accompagnement du client.

Ces exemples montrent que le retail aux Etats-Unis est en transformation. Le rythme de l’évolution du commerce est peut-être plus rapide qu’en Europe, entraînant alors dans sa chute les groupes qui ne parviennent pas à transformer suffisamment vite leur modèle. Mais cette transformation apporte aussi à ceux qui comprennent les enjeux de l’omnicanal une véritable opportunité de profiter de la reprise économique. Le commerce physique n’est alors pas mort, mais il se transforme à un rythme accéléré.

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