La filière logistique à l’épreuve de la Covid-19

 

Comme les autres pans de l’économie française, le secteur logistique a forcément été impacté par la crise sanitaire des derniers mois. En revanche, une reprise rapide s’observe tant sur le marché locatif qu’en matière d’investissement ou de développement, selon les acteurs de la filière logistique réunis hier par Business Immo à l’occasion d’un webinar.

« Le 1er semestre a été terrible pour le marché locatif logistique, avec un arrêt immédiat des transactions et des chantiers, donc des livraisons, ce qui a mené à une baisse de 50 % de la demande placée », avance Laurent Sabatucci, directeur et associé d’EOL. La baisse la plus importante est observée sur les opérations de taille conséquentes. Là où EOL a recensé l’an dernier une vingtaine d’opérations dépassant les 50 000 m2 en 2019, représentant environ 40 % du marché locatif, le conseil en rapporte seulement trois cette année.

Néanmoins, le conseil immobilier observe des améliorations. D’abord au niveau du nombre de transactions, 32 au 1er semestre, ce qui devrait amener le marché à environ 60 transactions pour l’année. Un volume bien en deçà des trois dernières années, mais en phase avec la moyenne décennale. Par ailleurs, Laurent Sabatucci se félicite de la reprise observée sur le créneau des bâtiments existants : « Celui-ci reflète le dynamisme structurel de notre marché. Nous constatons que les bâtiments existants continuent de se louer et les taux de vacance n’ont pas augmenté sur l’ensemble des principaux marchés. Aussi, malgré la forte baisse, tout à fait normale vu les circonstances actuelles, des transactions sur les immeubles clés en main, les niveaux de loyers ne diminuent pas. »

Cécile Tricault, directrice générale Europe du Sud chez Prologis, confirme : « Nous avons constaté une forte reprise de l’activité locative au moment du confinement, avec une demande assez importante des prestataires logistiques. Nous abordons cependant la rentrée de septembre avec prudence puisque, selon l’état de l’économie française et européenne, nous pourrions commencer à voir quelques tensions sur les taux d’occupation. »

Les investisseurs conservent leur appétit pour la logistique

Les investisseurs conservent pour l’heure un fort intérêt pour la classe d’actif logistique, selon les données d’EOL. « Nous avons eu la chance d’avoir un 1er trimestre 2020 très puissant grâce à la vente de portefeuilles, avec 1,5 Md€ investis, avance Laurent Sabatucci. Les investisseurs reconnaissent le caractère stratégique du secteur logistique et, parce que le développement d’actifs clés en main devient compliqué, son potentiel de création de valeur. » Signe de la confiance des investisseurs, trois ou quatre projets devraient être lancés en blanc en 2020, continue-t-il : « Ce nombre est évidemment bien en dessous des 10 à 15 opérations en blanc observées ces dernières années, mais c’est déjà un signal très fort de voir que des investisseurs continuent de lancer des opérations en blanc au vu de la situation actuelle. »

En raison de l’appétit confirmé des investisseurs et du faible nombre d’actifs disponibles actuellement sur le marché d’ici la fin de l’année, EOL ne prévoit pas d’une revue des prix à la baisse sur les actifs « prime ». « Le niveau des offres est comparable à celui observé fin 2019. S’il y aura certainement un peu de sélection sur certaines localisations, les investisseurs sont présents et veulent acheter de la logistique, ce qui nous permet d’avoir un pipeline tout à fait convenable sur ce marché. »

Un développement soutenu, mais ralenti par des délais administratifs

À la lumière des baromètres réalisés au cours des trois derniers mois, Afilog confirme un fort niveau d’activité dans le développement d’actifs logistiques, mais déplore les difficultés administratives rencontrées par ses membres : « Les impacts les plus profonds sur les adhérents sont incontestablement les rallongements des délais d’instruction des permis de construire et des différentes autorisations, avec une progression au cours des derniers mois, rapporte son président Claude Samson. Plusieurs ordonnances produites en avril et en mai n’ont pas réglé tous les problèmes. » L’association regrette ainsi que l’ensemble des services instructeurs soient encore engorgés, voire fermés pour un certain nombre, continue Claude Samson : « Il existe une impatience de la part des entreprises, d’autant que nos voisins européens redémarrent un peu plus vite que nous. »
Les autres difficultés importantes recensées par l’association ont porté sur la gestion des ressources humaines, l’organisation des chantiers et l’aménagement de la trésorerie. Pour autant, la situation s’est améliorée au fil des derniers mois, selon son président : « Après une période d’arrêt quasi totale jusqu’à mi-avril, on peut constater que la reprise a été progressive et presque tous les chantiers ont repris aujourd’hui. La reprise effective en mai semble même plus forte que celle anticipée au moment des enquêtes de mars et d’avril. »
Aussi, selon Roland Paul, président de GSE, le secteur logistique a démontré au cours des derniers mois sa résilience par rapport aux autres classes d’actifs : « Contrairement aux autres secteurs d’activité, tous nos dossiers logistiques se sont poursuivis et ceux en cours ont été signés pendant cette période. Même nos projets en blanc se sont poursuivis, même maintenir l’activité sur les chantiers et mettre en place des mesures sanitaires ont été compliqués. »

Développer la compétitivité de la filière

Fort de ces constats encourageants, Afilog prévoit que 2020 devrait normalement être relativement épargnée par la crise, tout comme 2021. En revanche, des risques pourraient se profiler pour les années suivantes en raison du peu de projets actuellement en démarrage.
Pour les affronter, la filière logistique pourra compter sur l'appui du gouvernement, a assuré Geoffroy Cailloux, sous-directeur des services marchands à la Direction générale des entreprises: « La crise a montré à quel point la logistique est stratégique dans les approvisionnements, notamment en masque ou en agroalimentaire. Il est important pour la politique du gouvernement que l’on se préoccupe de la logistique même quand tout va bien et que la reprise se confirme en 2020 et 2021. Notre métier, à la DGE, sera de s’assurer qu’un travail constant soit fait pour améliorer la compétitivité et l’attractivité de cette filière.»

La quête de compétitivité est également ce qui guide la feuille de route de France Logistique, association créée en janvier dernier avec l’idée d’une cohérence et d’une cohésion commune de l’ensemble des acteurs logistique. « Nous devons faire en sorte que la logistique devienne un atout pour la France, comme c’est le cas pour l’économie d’un certain nombre de nos voisins, estime sa présidente, Anne-Marie Idrac. La crise n’a fait qu’accentuer les besoins en matière de compétitivité fiscale et réglementaire, de massification et de compétences. Les raisons qui expliquent notre retard ne sont pas économiques, mais relèvent de difficultés d’organisation et de vision entre les administrations. France Logistique sera donc là pour porter auprès des pouvoirs publics la vision d’une France qui pourrait profiter beaucoup mieux qu’elle ne le fait des atouts de sa position géographique. »

 
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