Quel est l'avenir de nos magasins ? (2) Le magasin : la boîte à outils du dernier kilomètre

De nombreuses études mettent en évidence l’exigence croissante du consommateur. Devenu e-consommateur, il sait qu’il peut comparer les prix à l’aide d’Internet, choisir le lieu de livraison, retourner le produit, disposer en permanence d’informations sur son achat. Il peut aussi de plus en plus fréquemment choisir le délai de livraison.



En 1994, La Redoute avait inventé le « 24h chrono ». En 2016, Amazon a lancé à Paris le service Amazon Prime now : 1h chrono. En Chine, Hema Fresh, filiale d’Alibaba, a inventé la livraison en 29 minutes. Le délai de livraison est plus que jamais un argument commercial, répondant aux attentes du consommateur.
La livraison instantanée, car c’est désormais le terme à adopter, correspond déjà, à Paris, à 100 000 livraisons par semaine et 3% des flux. Il s’agit là d’un segment nouveau, avec un enjeu commercial et logistique réel.

Quelles sont les solutions pour y parvenir ?

Pour être en mesure d’apporter une offre de livraison instantanée, en 29 minutes ou en 2 heures, la proximité du stock est essentielle.

Peu d’entrepôts sont situés en zone urbaine et organisés pour une livraison très rapide. Amazon a fait ce choix à Paris, ciblé sur ce nouveau service. Mais cela reste une exception. Cdiscount apporte ce service à partir d’entrepôts plus éloignés (Mitry-Mory pour la région parisienne), permettant de livrer le jour même certaines gammes de produits, commandées avant 14 heures.

Le magasin physique trouve alors une fonction essentielle. En effet, la notion même de magasin est d’apporter une offre de produits dans une zone de chalandise définie. En utilisant le magasin comme entrepôt de proximité pour livrer les e-consommateurs, on utilise la même logique, de façon inversée. C’est le magasin qui vient au consommateur et pas l’inverse.

Le fonctionnement est alors le suivant :
Le site sur lequel l’internaute a passé sa commande rattache le lieu de livraison à une zone de distribution d’un commerce physique et lui indique la disponibilité du produit pour le service « Ship from store », de livraison en 1 ou 2 heures. L’enseigne prépare la commande, affrète un coursier, qui livre le consommateur dans un secteur géographique proche du magasin. Ce modèle s’applique aux repas (les points de vente sont des restaurants), aux achats alimentaires (surfaces commerciales alimentaires de proximité) ou aux non alimentaires (surfaces spécialisées). Il peut aussi s’appliquer au B to B.

La réussite d’un tel modèle se heurte toutefois à des obstacles, qu’il est nécessaire de lever.
La principale difficulté, souvent oubliée, est la nécessaire exactitude des stocks. Un magasin est un espace vivant. Les clients prélèvent des produits, les déplacent ; les produits sont parfois endommagés ou périmés. Un stock magasin n’est pas un stock entrepôt. Il ne peut pas avoir la même exactitude. Mais la pire expérience d’achat pour le consommateur est la rupture de stock. Acheter sur internet un produit disponible qui, en fait, ne l’est pas. Les distributeurs sont donc amenés à fiabiliser les stocks en magasin. Cela peut passer par la RFID (Radio Frequency IDentification) ou par des « robots d’inventaires », qui repèrent les produits mal positionnés. L’entreprise canadienne 4D Retail Technology a ainsi développé un robot, monté sur un Segway, qui effectue l’inventaire, repère les stocks trop bas, les produits déplacés.

Une seconde difficulté du Ship from store est sociale. Le métier de préparateur de commandes n’est pas identique au métier de vendeur. Il faut donc adapter les tâches, former le personnel, optimiser la préparation de commandes comme dans un entrepôt. Il devient alors nécessaire d’adapter les fonctions du personnel en fonction du cross-canal. Il faut aussi organiser ces flux internes en fonction des clients physiques, qui circulent dans les allées. Les produits achetés doivent ensuite être conditionnés afin d’être livrés à l’e-consommateur. C’est donc un métier plus proche de la logistique que du commerce.

Pour le transport, de nombreuses solutions existent : plates-formes de coursiers de proximité comme Colisweb ou Deliver.ee, sociétés de livraison à domicile, solutions collaboratives. Mais l’efficacité passe par l’information.  Dans un délai aussi court, on n’a pas le temps de chercher un coursier. Il faut alors utiliser une plate-forme d’intermédiation de coursiers, en prenant comme modèle la gestion d’une communauté de livreurs, ou disposer de transporteurs en attente.

Le ship-from-store constitue un enjeu essentiel afin d’ancrer les magasins dans la chaîne du cross-canal. Mais il ne s’agit pas là d’un long fleuve tranquille ! C’est un projet d’entreprise et une course permanente contre la montre.
 
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